Puja

Puja Ce terme sanskrit est employé par les hindouistes, les jaïnistes et les bouddhistes pour désigner un rituel d’offrande. Pour les bouddhistes, une Puja consacrée à Avalokiteshvara (Chenrezig en tibétain) aura pour objet le développement de la Compassion que cette déité symbolise. Le Dalaï Lama et le Gyalwa Karmapa en sont les actuelles incarnations.

On notera que l’album Puja dure 108 minutes, nombre sacré dans les traditions hindouiste, jaïniste et bouddhiste. C’est aussi le nombre de perles du grand mala (chapelet spécifique utilisé par les pratiquants bouddhistes).

Répertoire de l’album 

  • Dewatchen Part 1 Phowa (8’24)
  • Dewatchen Part 2 Amithaba (16’10)
  • Karmapa Tchenno (12’26)
  • Sherab (7’47)
  • Chöd (7’09)
  • Yamantaka (13’39)
  • Nagaraja (6’01)
  • Vajrasattva (8’43)
  • Dorje (4’41)
  • Kalachakra B (7’25)
  • Zen Hoyo (8’57)
  • Lhassa (7’28)

Intervenants 

  • Roger Lahana : Cubase Pro
  • Philippe Perrichon : Guitares
  • Nombreux lamas, moines et nonnes : mantras, chants, instruments rituels
  • Thierry Moreau : graphisme (https://www.instagram.com/p/Ci2wxykNOQD)
  • Photos : Thierry Moreau, Stéphanie Lahana (Dorje), Roger Lahana (moines aux coiffes jaunes)

Description des différents morceaux

Dewatchen Part 1 Phowa / Dewatchen Part 2 Amithaba

Dewatchen est un terme qui désigne “La Terre Pure” en tibétain, lieu de vie post-mortem où les défunts ayant atteint un stade de développement avancé peuvent poursuivre leur chemin spirituel sans être de nouveau assujettis à la renaissance terrestre. Le Bouddha qui enseigne le Dharma à ce stade est Amithaba (Amida au Japon, qui donnera naissance à l’Amidisme, le bouddhisme de la Terre Pure).

Phowa est une pratique tantrique présente dans le bouddhisme Vajrayana au Tibet. Elle consiste à projeter sa propre conscience hors du plan corporel, le but de la pratique étant de permettre la conservation intacte de la conscience lors du passage du bardo de la vie terrestre à celui du bardo de la mort.

L’invocation d’Amithaba et la pratique de Phowa sont donc les “moyens habiles” qu’offre un maître bouddhiste à ses disciples pour accéder à Dewatchen dans un état de conscience préservé. Phowa est une pratique individuelle mise en oeuvre sous l’égide d’un maître accompli.

Karmapa Tchenno est le nom et le contenu de ce mantra spécifique de la lignée bouddhiste Karma-Kagyüpa fondée au XIIe siècle par le grand saint Yogi Jetsun Milarepa. Ce mantra est à la fois une louange au maître et une invocation qu’on pourrait traduire par “Karmapa près de nous”. Ce mantra invoque la protection du Gyalwa Karmapa. SS Trinley Thayé Dorjé Gyalwa Karmapa est actuellement la 17e incarnation de Dusüm Khyenpa, premier Karmapa, qui vécut de 1110 à 1193. Le Karmapa est à la fois le premier maître tibétain initiant le principe des tulkous comme maîtres de lignée, et le dernier détenteur de l’intégralité des enseignements Karma-Kagyü sans aucune rupture, ce qui inclut l’ensemble des corpus du Mahamoudra et du Dzogchen. Padmasambhava avait annoncé que le 6e Bouddha serait aussi le 21e Karmapa.

Roger Lahana et Philippe Perrichon ont pris refuge dans cette lignée en 1975 auprès de SS Ranjung Rigpé Dorjé, XVIe Karmapa.

Sherab est un terme tibétain désignant la sagesse, une des six vertus fondamentales du bouddhisme (les Paramitas), avec la Compassion (jinpa en tibétain), l’Ethique (tsultrim), la Patience (zopa), la Détermination (tsondrü), la Concentration (samten). Il est dit qu’un être ayant pleinement réalisé l’une de ces perfections accomplit la plénitude des cinq autres, c’est la particularité des êtres ayant atteint l’Eveil bouddhique.

Quand Sherab est une des composantes d’un nom propre, il est considéré comme une orientation vers laquelle l’adepte doit tendre afin de réaliser l’Eveil.

Chöd (prononcer Tcheu) est une pratique tantrique intégrée dans le bouddhisme Vajrayana (la Voie du Diamant) et héritée du Bön, religion prébouddhique prévalant au Tibet jusqu’au VIIIe siècle et qui s’est maintenue jusqu’à ce jour parallèlement au bouddhisme introduit au Tibet par Padmasambhava. Chöd est une pratique visant à offrir son être physique et psychique en pâture aux esprits faméliques des mondes inférieurs afin d’affranchir le pratiquant de la crainte et, via l’abandon de la perception de soi comme étant séparé d’autrui, de lui permettre de connaître une sérénité intérieure affranchie des obstacles égotiques et mentaux qui fondaient sa perception dualiste du monde.

Yamantaka est un Yidam (déité protectrice) particulièrement honorée dans la lignée Gelugpa, celle dont le maître actuel est SS Tenzin Gyato, XIVe Dalaï Lama. Il désigne l’aspect courroucé de Majushri, dieu qui met fin à la perception duelle du monde. Son nom signifie “exterminateur de la mort” (Yama est le dieu de la mort dont l’action parachève le Sidpa Bardo : cf l’album précédent “Thödol” d’Evohé). Yamantaka est considéré comme l’assistant du bouddha Amithaba dans la sphère de la Terre Pure.

Nagaraja, qui signifie en sanskrit roi des nagas (les serpents) est le titre porté par trois dieux hindous, qui sont frères : Seeshaa, Vasuki et Takshaka. Seesha est adepte de Vishnu (qui, dans la trinité du panthéon indien maintient et protège le monde), Vasuki est adepte de Shiva, destructeur des mondes à la fin des kalpas (l’âge incommensurable de l’univers créé par Brahma). Shiva est aussi le saint patron des Yogis en ce qu’il symbolise la destruction des voiles de l’illusion. Takshaka, le troisième frère, est la personnification du danger que représentent les nagas.

La pièce est inspirée par l’atmosphère de ferveur qui prévaut lors des grands pèlerinages hindouistes. Mucilinda est aussi un des noms du roi des nagas ; il est dit qu’il protégea de la pluie le Bouddha lors de son Eveil.

Vajrasattva correspond en sanskrit au bouddha primordial Dorje Chang. Il est à la fois l’archétype intemporel du Bouddha et l’unification personnifiée de la puissance des cinq dhyani-bouddhas. En sanskrit comme en tibétain son nom signifie “porteur de la foudre”, où celle-ci désigne la puissance spirituelle. Le maître bouddhiste indien Naropa (initiateur de la lignée du Rosaire d’Or qui se poursuit avec Tilopa, Marpa, Milarépa, Gampopa et Karmapa) reçut les enseignements du Mahamudra (le Grand Sceau) de Vajradhara, émanation de Vajrasattva.

Dorje (Vajra en sanskrit) désigne la foudre, métaphore évoquant la puissance spirituelle. Ses “dents” recourbées désormais en bouquet, étaient jadis constitutives du trident du dieu indien Indra. Perdant, par la convergence de ses dents opérée par le bouddha Shakyamuni, son aspect guerrier en migrant au Tibet – où il fut incorporé à la symbolique bönpo – il symbolise désormais la transmutation de l’énergie vitale brute en énergie spirituelle pure permettant d’accéder à l’Eveil dans le Bön et le Vajrayana.

Le dorje est parfois doublé (il a alors une forme de croix). La cloche y symbolise la sagesse et le dorjé l’action efficace. Avec le mala (chapelet), la cloche, le dorjé et le damaru (petit tambour) constituent les quatre objets rituels de base des pratiques bouddhistes tibétaines. Quand Dorje fait partie d’un nom propre (attribué par un maître à son disciple lors d’une prise de refuge), il est considéré comme une incitation soutenue à développer l’action spirituelle efficiente.

Kalachakra B Le terme sanskrit Kalachakra (telougou en tibétain) désigne la Roue du Temps. Ce rituel de protection, présent dans la plupart des lignées bouddhistes au Tibet est surtout l’apanage de celle des Gelugpas. Le tantra de Kalachakra fut incorporé tardivement au corpus rituel tibétain tant il comporte d’éléments et de terminologies purement indiennes.

Ce rituel puissant de protection évoque en filigrane les persécutions subies par le bouddhisme via l’Islam et l’Hindouisme et sa mise en oeuvre, souvent dispensée par SS le Dalaï Lama, a pour but de protéger le Dharma et le Tibet.

Zen Hoyo est un hommage à la liturgie bouddhique du temple japonais de Daitokuji consacré à la pratique du Zen Rinzaï. Le rituel qui constitue la trame de la pièce est un périple sonore visant à conduire pratiquants et auditeurs à la perception de cette vacuité qui se révèle lors de l’Eveil et qui contient toutes les potentialités. Evohé a voulu déposer ses quelques pavés congruents sur ce chemin escarpé et onirique.

Lhassa : comment ne pas avoir au cœur ce nom qui symbolise le toit du monde dans ce que les humains ont de plus noble en termes d’aspirations spirituelles, alors que nous vivons un temps où sa sinisation intensive se fait au prix du sang ? Evocation nostalgique de rituels qui s’estompent ici pour renaître ailleurs, Lhassa est une leçon d’impermanence suprême dont la culture multiséculaire nourrit l’ensemble des pièces de cet album. Puisse-t-elle un jour briller à nouveau de tout l’éclat qu’elle mérite.

« En vérité je vous le dis : dans ce corps même, mortel, et haut d’une toise seulement, mais conscient et doué d’intelligence, se trouve le monde, et sa croissance, et son déclin, et le chemin qui mène à son dépassement ». Shakyamuni (Anguttara Nikaya).

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Adresse électronique : puja@evohe.eu

Les albums Thödol et Puja sont disponibles sur la plupart des plateformes de streaming.

Autres publications d’Evohé :

  • chez Vapeur Mauve Productions (www.vapeurmauveproductions.com) : CD K’a version longue (43 mn), vinyle K’a (18 mn) et Sharga (16 mn)
  • chez Musea Records : double CD « 77-81 » (intégrale)
  • chez Music Research Library (USA) : vinyle K’a (18 mn) et Sharga (16 mn)